photos & textes: gizi fluck Un gigantesque mixeur tournait lentement la ville dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Les bananes se détachaient des arbres et entraient par les fenêtres, envahissaient les immeubles. Dans une pâle lumière verte, la ville se hissait au sommet d'une montagne de morceaux de glace. Autour de celle-ci, les bananiers poussaient si proches qu'ils l'asphyxiaient presque. On n'y mangeait que des bananes, toujours et seulement des bananes, des bananes et encore des bananes [ ] Ils buvaient de la gelée et éclataient, puis renaissaient en bulles de savon. Une Mercedes Esse qui volait sur une tranche de salami passa; elle avait fini de négocier ses actions avec la lune. "Un jour, je perdrai totalement le nord", gémissait-elle, "ces bananes seront ma mort" [ ] Une tranche de salami, abandonnée, sombrait lentement, alors que de rouges rongeurs en faction la lorgnaient goulûment. Dans les premières lueurs froides de l'aube, le son d'un réveil fit frémir d'apaisement la ville du cauchemar : elle se décomposa.